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Pistes d’amélioration de l’usage des pipelines en 2024
Mathieu Jolly
Auteur
Le pipeline est un composant essentiel de la cartographie de Wardley. À la différence des liens qui convergent vers un nœud indiquant un ET logique, le pipeline représente un OU logique. Il représente un ensemble de choix possibles dans l'espace économique actuel. Si vous avez déjà croisé des pipelines dans des cartes de Wardley, ils ressemblaient probablement à cela :
Le problème de cette représentation, c'est qu'elle introduit deux biais importants. Le premier est de limiter les solutions possibles aux voitures et, dans un second temps, celui de ne pas respecter rigoureusement les limites de validité du concept d'évolution de Wardley. En effet, le composant « voiture » porte en lui beaucoup d'abstractions en matière de pratique, d'activité, de connaissance et de donnée.
Dans cet article, je vais vous présenter une manière plus utile et plus proche de la cartographie de Wardley d'utiliser des pipelines. La carte finale, celle qui utilise mieux les pipelines, ressemble à ceci :
Prendre conscience
Dans la première carte, l'usage n'est techniquement pas faux ; en fonction de l'intention que vous y mettiez, il pourrait l'être. Si vous considériez le composant « voiture » comme :
- une donnée, alors votre usage du pipeline était rigoureux ;
- la forme que prend la capacité dans votre chaîne de valeur, alors votre usage du pipeline pourrait être amélioré.
Plus généralement, la forme des choses, la forme des capacités d'une chaîne de valeur, la matérialisation réelle des choses de votre chaîne de valeur n'a pas sa place dans une carte de Wardley ailleurs que dans un pipeline.
Dans la première carte que je remets ci-dessous, un usager qui a besoin de réaliser un trajet urbain occasionnel en soirée a besoin de pilotage et d'une voiture. L'entreprise de taxi qui réalise cette étude met en évidence qu'il y a plusieurs formes de voiture disponibles pour ce besoin.
L'entreprise de taxi remarque que les données changent et qu'une forme plus commode de voiture intègre le pilotage. Dans la figure, cette évolution pousse la limite du pipeline jusqu'à la nouvelle forme « Toyota autonome » qui apparaît sur le marché. La carte devient :
La carte ci-dessus montre que si l'entreprise de taxis investit dans des Toyota autonomes, le besoin de pilotage disparaît, car il est absorbé par la forme que prend le composant voiture.
Cette représentation montre toute l'information abstraite derrière les composants qui représentent la forme que prend la capacité de la chaîne de valeur dans cette pratique.
Comment rendre plus évidente la compréhension de la situation avec les cartes de Wardley ?
Les bonnes pratiques
1. Cartographier la nature des composants à la place de leur forme
Dans une carte de Wardley sont cartographiées des activités, des pratiques, des données et des connaissances. Ici, le composant « voiture » peut être plusieurs choses simultanément. Il peut être une activité, celle de se déplacer ; une pratique, celle du transport de personnes ; une donnée, celle du matériel ; ou une connaissance, celle du savoir-faire en matière de construction de véhicule.
2. Décrire la forme des choses à l’intérieur des pipelines
La forme des choses n'est pas décrite par la fonction d'évolution de Wardley, mais il reste utile de représenter les différentes solutions qu'offre la réalité. Tous les composants de la carte précédente peuvent prendre plusieurs formes ; formes que listent les pipelines.
La carte ci-dessus montre que pour répondre au besoin en trajet occasionnel nocturne, l'usager doit se déplacer. Pour que l'activité « se déplacer » existe, il a besoin de données, à savoir un moyen de transport. Quand il se déplace en voiture, la donnée nécessaire est une voiture, alors que quand il se déplace à vélo cargo, la donnée nécessaire est le vélo cargo.
Dans cette carte sont mises en évidence des évolutions historiques :
- La transformation de la pratique du Véhicule de Transport avec Chauffeur qui a totalement changé avec l'arrivée d'outils comme Uber.
- L'arrivée des vélos biporteurs.
La coévolution nous enseigne qu'une pratique coévolue avec une activité. Compte tenu de l'observation de l'évolution de la donnée vélo cargo, il est déjà possible de dire qu'une nouvelle pratique de pilotage des véhicules pour les rendre autonomes doit exister. La figure suivante met en évidence que cette pratique n'existe pas encore, mais qu'il est possible d'anticiper son existence et son évolution qui dépendront de l'activité « Se déplacer à vélo cargo ».
De plus, on peut ajouter l'évolution fictive de la Toyota avec la sortie de la Toyota autonome. Toujours d'après le schéma climatique de coévolution — une pratique coévolue avec une activité — il est alors possible de dire que la pratique de pilotage des véhicules pour les rendre autonomes va voir celle de la conduite de voiture s'automatiser. Cette évolution constitue une meilleure pratique au sens de la performance, de la sécurité, de l'optimisation des parcours et de la rentabilité.
Dans cette carte, remarquons qu'il n'y aura pas de barrière d'inertie à l'évolution du composant VTC uberisé vers la conduite automatisée. A priori, cela peut paraître contre-intuitif, mais le composant VTC uberisé est déjà une commodité. Il faudrait confirmer cette hypothèse.
D'autre part, il est aussi observable que l'évolution de Toyota vers Toyota autonome franchit une barrière d'inertie, tout comme l'évolution potentielle de la nouvelle pratique du transport de personnes à vélo cargo.
3. Positionner l’ancre du pipeline le plus à droite possible sur l’axe de l’évolution
L'ancre du pipeline est toujours positionnée le plus à droite du pipeline. L'ancre du pipeline est la pratique, l'activité, la connaissance ou la donnée qui suit le schéma de l'évolution. Votre rôle est de dire où en est-on, dans l'évolution du composant. L'évolution ayant un sens et une direction, c'est la position la plus à droite de l'axe de l'évolution qui décrit l'état actuel d'évolution. La forme la plus à droite représente l'idéal du marché du point de vue de la compétitivité.
La compétitivité se traduit en objet, en solution, en service qui ont une forme dans la réalité. Cette forme va se diffuser selon la loi de l'adoption d'Everett Rogers. Dans la réalité, plusieurs formes peuvent coexister et toutes peuvent être des solutions contextuellement utiles. Il est alors intéressant de les afficher dans un pipeline.
4. Positionner la nature des choses par rapport à leurs caractéristiques, positionner la forme des choses en fonction de leurs propriétés.
Simon Wardley distingue les caractéristiques des propriétés générales. Ce n'est pas clairement explicité dans la table qui est habituellement fournie (voir figure 17 extraite du livre « Wardley Maps » ci-dessous), mais les caractéristiques décrivent la nature des choses tandis que les propriétés générales décrivent leur forme.
Ainsi, les composants qui n'appartiennent pas à un pipeline doivent être positionnés selon les caractéristiques. Ces caractéristiques sont des adjectifs qui traduisent le taux de croissance, la certitude et l'ubiquité dans la fonction d'évolution. La figure suivante montre les différents taux de croissance qui décrivent les quatre phases de l'évolution.
Les composants qui appartiennent à un pipeline, c'est-à-dire les composants qui décrivent la forme des choses, répondent plus ou moins à la norme d’évolution. Dans chaque phase, différentes propriétés sont attendues. Il est possible de classer la forme des choses en fonction de ces propriétés.
Conclusion
En résumé, l'utilisation judicieuse des pipelines dans la cartographie de Wardley permet une représentation plus précise et utile des chaînes de valeur. En cartographiant la nature des composants plutôt que leur forme, en décrivant les formes à l'intérieur des pipelines, et en positionnant correctement l'ancre du pipeline, nous obtenons une vue plus claire de l'évolution des pratiques, comme le montre l’exemple d’étude avec le taxis. Cette approche est plus précise.
Attention, nous n'en sommes qu’au début de la pratique de la cartographie de chaîne de valeur. Ces pratiques me semblent être bonnes et sont utiles pour les problèmes que je résous et les solutions que je construis, mais restent émergentes. L’usage que vous en faites et l’utilité que vous y trouverez, nous dirons si ces pratiques passeront le cap des bonnes pratiques ou pas. Alors place à la pratique !